Analyse

Quand le bâtiment va, mais pas la fabrication

Hier encore, des signaux contraires de l’économie nord-américaine sont venus souligner l’atypie du présent cycle, marqué par la résilience des consommateurs, une vigueur étonnante du marché de l’habitation et les difficultés de plusieurs segments du secteur manufacturier, des deux côtés de la frontière.

De l’habitation, notons que l’activité sur le marché canadien de la revente était en hausse pour un troisième mois d’affilée, en mai, au point où l’Association canadienne de l’immeuble a jugé à-propos hier de réviser un peu à la hausse ses prévisions pour le nombre de transactions cette année et l’an prochain. Bref, la forte correction prévue par quelques esprits chagrins est reportée. On semble plutôt se diriger vers une stabilisation en douce.

Au sud de la frontière, le bâtiment résidentiel prend du mieux enfin, après une dépression qui aura duré six ans. Le nombre d’invendus est historiquement faible, et l’indice NAHB qui sonde l’humeur des promoteurs immobiliers (home builders) est finalement repassé au-dessus de la barre de 50, ce qui signifie qu’une majorité de répondants juge que les conditions du marché se sont améliorées.

Ces indicateurs suggèrent tous une demande accrue de produits manufacturés, à tout le moins ceux qui sont liés au bâtiment et aux infrastructures qui lui sont rattachées (égouts, distribution électrique, rues, etc.).

Or, les indicateurs de la santé du secteur de la fabrication pointent plutôt vers un affaiblissement de l’activité en usines. L’Empire State Manufacturing Index, qui se concentre sur l’État de New York, reflète une baisse de 6 points des nouvelles commandes et de 12 points des livraisons, le mois dernier.

Vendredi, Statistique Canada avait jeté une douche froide sur les tenants d’un nouvel élan de l’expansion canadienne en annonçant le plus fort recul des ventes des fabricants depuis 2009.

L’emploi manufacturier est en chute quasi continuelle au Canada depuis le début du siècle. Alors que les données de l’Enquête sur la population active faisaient état de 250 000 emplois de plus en un an, en mai, la fabrication en perdait 100 000. Le travail en usines représente désormais moins de 10 % de l’emploi canadien.

On ne peut attribuer ces difficultés à la seule force du dollar canadien puisque les manufacturiers américains en éprouvent aussi, eux qui, pourtant, sont parvenus à contenir leurs coûts unitaires de main-d’œuvre beaucoup mieux.

Si l’économie canadienne doit pouvoir compter sur les exportations et les investissements pour poursuivre son expansion, comme l’affirme la Banque du Canada, alors il faudra que le secteur de la fabrication se redresse. C’est lui qui assure la majorité des volumes et de la valeur de nos livraisons internationales.

Comment le redynamiser ?

« La fabrication est d’abord et avant tout le domaine de l’ingénierie, affirme Pierre Lortie, conseiller principal chez Dentons et président élu de l’Académie canadienne du génie [ACG]. Il est grand temps pour les ingénieurs de braquer les projecteurs sur cette expertise et d’inscrire la discussion sur l’avenir de nos capacités de fabrication à l’ordre du jour public. »

Joignant le geste à la parole, l’ACG organise un important symposium sur le sujet, jeudi, ici à Montréal.

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